La première banque islamique du Nigeria poursuit son expansion avec des résultats solides sur les trois premiers mois de l'année. Dans un environnement économique porteur mais concurrentiel, Jaiz Bank tire son épingle du jeu grâce à un modèle alliant finance éthique et inclusion.
Un bilan robuste reflétant une croissance soutenue
Au 31 mars 2024, le total du bilan de Jaiz Bank s'établit à 670,98 milliards de nairas, en hausse de 15,7% par rapport à fin 2023. Les financements à la clientèle, qui constituent le cœur de métier de la banque, progressent de 1,2% à 174,73 milliards de nairas, portés par les segments de la banque de détail et de la banque d'entreprise.
La banque affiche une collecte dynamique avec 518,38 milliards de dépôts (+11,1%), tirée par les comptes courants et d'investissement non restreints conformes aux principes de la moudaraba. Ces ressources peu coûteuses (non rémunérées pour les comptes courants) permettent d'optimiser les marges.
Côté résultats, le produit net bancaire grimpe de 91,8% pour atteindre 12,48 milliards de nairas, dopé par les revenus de financement (+17% à 7,5 milliards de nairas) et d'investissement (+164% à 8 milliards de nairas). La marge nette d'intérêts atteint un niveau élevé de 7,45%.
Le résultat avant impôt est presque quadruplé sur un an (+278%), bondissant à 6 milliards de nairas contre 1,59 milliard de nairas en mars 2023. Le résultat net suit la même tendance à 5,8 milliards de nairas (+300%) contre 1,46 milliard de nairas sur la même période en 2023. Ces chiffres traduisent à la fois la montée en puissance de la banque et sa capacité à dégager des marges confortables, avec un coefficient d'exploitation qui s'améliore de 12 points à 52%.
Le coût du risque recule fortement à -0,58% contre -0,67% à fin 2023, illustrant une bonne maîtrise de la qualité des actifs. Le ratio de créances douteuses reste contenu à 5,2%. La rentabilité des fonds propres atteint 14,9% et celle des actifs 3,5%.
Une forte croissance des revenus portée par les activités de financement et d'investissement
Les revenus de financement progressent de 17% à 7,47 milliards de nairas, représentant 45% du produit net bancaire. Ils sont générés principalement par les opérations de mourabaha (ventes à tempérament) qui rapportent 4,9 milliards de nairas, soit 66% du total des financements et 29,5% des revenus. Les contrats de mourabaha destinés aux entreprises sont les plus rémunérateurs avec 3,7 milliards de revenus (29,5% du total), suivis par ceux destinés aux particuliers avec 1,15 milliard de nairas (6,9% des revenus).
Les opérations d'ijara (crédit-bail) génèrent quant à elles 2,1 milliards de nairas, soit 28% des revenus de financement et 12,6% des revenus totaux de la banque. Les contrats d'ijara pour les entreprises et les particuliers sont les plus contributifs avec respectivement 835 et 832 millions de nairas de revenus.
Les autres types de financement conformes à la charia (istisna, salam, moucharaka) ne représentent que 5% du total avec 361 millions de nairas de revenus, dont l'essentiel provient des opérations d'istisna (contrats de construction).
Un autre produit propre aux banques islamiques, bien que non significatif dans le bilan de Jaiz Bank, demeure le qard al-hassan (prêts gracieux sans intérêt). L'encours brut a baissé de 3% sur un an, s'établissant à 41 359 millions de nairas en mars 2024 contre 42 608 millions de nairas en mars 2023, notamment sur le segment de la clientèle de détail. Côté risque, les provisions restent stables à 5 millions de nairas.
Si la mourabaha reste le socle de son activité de financement, la montée en puissance de l'ijara constitue un relais de croissance prometteur pour Jaiz Bank. Les autres produits restent embryonnaires et pèsent peu dans les comptes.
La stratégie de diversification semble porter ses fruits comme en témoigne la progression régulière des encours. Un pilotage fin des marges et des risques sera crucial pour assurer une rentabilité pérenne sur chaque segment. Des pistes d'optimisation subsistent notamment sur l'istisna et le salam.
Les revenus d'investissement bondissent de 164% à plus de 8 milliards de nairas, soit 48,5% du produit net bancaire. Cette forte hausse est principalement liée aux revenus des sukuks, qui triplent quasiment à 4,8 milliards de nairas, représentant 60% des revenus d'investissement.
Les opérations de négoce sur les marchés se montent quant à elles à près de 1,5 milliard de nairas à la fin du premier trimestre, soit 18% des revenus d'investissement, en forte progression par rapport aux 564 millions de nairas enregistrés un an auparavant. Enfin, les placements interbancaires conformes à la charia (mourabaha) génèrent 1,8 milliard de revenus, soit 22% du total des investissements, en très forte hausse par rapport à l'an dernier où ils ne représentaient que 12 millions de nairas.
De nouveaux relais de croissance à trouver pour diversifier les revenus
Malgré ses excellentes performances trimestrielles, Jaiz Bank doit identifier de nouveaux relais de croissance afin de diversifier ses sources de revenus. En effet, les activités de financement et d'investissement représentent actuellement 93% de son produit net bancaire, la rendant très dépendante de l'évolution des taux et des marchés.
Le développement des commissions constitue un axe stratégique pour la banque. Celles-ci n'ont progressé que de 12% sur un an à 1 milliard de nairas, ne représentant que 6% des revenus totaux.
L'expansion géographique en Afrique de l'Ouest pourrait également offrir un levier de diversification et de croissance externe en phase avec la vision et les objectifs stratégiques de la banque. Cependant, il faudra tenir compte des nouvelles exigences en fonds propres édictées par la toute-puissante Banque centrale du Nigeria (CBN). Les banques islamiques disposant d'une licence nationale comme Jaiz Bank doivent en effet relever leur capital minimum de 10 à 20 milliards de nairas, ce qui n'est pas encore le cas pour la première banque islamique du Nigéria qui affiche un niveau de fonds propres réglementaire égal à18,6 milliards de naira, soit un déficit de 1,4 milliard de nairas.
Une licence internationale serait peut-être prématurée à ce stade, d'autant que le régulateur n'a pas hésité à relever drastiquement le capital exigé des banques opérant à l'international, le faisant passer de 50 à 500 milliards de nairas, soit dix fois le niveau actuel des fonds propres exigés.
Quoi qu'il en soit, les résultats du jour prouvent que le pari initial des fondateurs était le bon. Loin d'être une niche, la finance islamique, adossée à une gestion rigoureuse, recèle un formidable potentiel de développement au Nigeria et au-delà.
En attendant, Jaiz Bank dispose néanmoins de solides atouts (positionnement de pionnier, franchise en forte croissance, expertise reconnue) pour devenir un leader africain de la banque islamique en Afrique, même si de nouveaux acteurs comme Taj Bank ou Lotus bank se montrent de plus en plus agressifs sur son terrain.
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