Les Sukuk corporate: ces instruments financiers islamiques qui séduisent de plus en plus le secteur immobilier en Afrique

Les Sukuk, équivalents islamiques des obligations, poursuivent leur irrésistible ascension à l'échelle mondiale. Et l'Afrique n'est pas en reste, en particulier dans le secteur immobilier où ces titres financiers conformes à la charia ouvrent de nouvelles opportunités de financement pour le secteur privé. Un nouveau modèle à prendre au sérieux par les entreprises et décideurs publics. Entre opportunités de développement et intérêt croissant des investisseurs du Golfe, zoom sur une tendance qui ne cesse de s'affirmer.

 

Le dernier en date : la Zambie qui fait son entrée…

Comme annoncé par Emerging market real estate, le promoteur immobilier local Eden Villas Properties (filiale de la société immobilière égyptienne EMix Elite Standard) vient en effet d'obtenir le feu vert pour une émission de Sukuk de 3 millions de dollars, une première dans ce pays d'Afrique australe où les musulmans représentent moins de 3% de la population. Mais au-delà de ce pourcentage modeste, c'est bien le potentiel économique de la Zambie et plus largement du continent africain qui suscite l'intérêt croissant des investisseurs du Golfe. En 2023, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite ont ainsi injecté plus de 2 milliards de dollars dans divers projets sur le continent. L'immobilier, qui capte environ un tiers des émissions de Sukuk chaque année dans le monde, apparaît comme un point d'entrée privilégié pour ces capitaux en quête de placements stables et conformes à l'éthique Islamique.

 

Égypte, Nigéria, Kenya : les pionniers montrent la voie

D'autres pays africains ont déjà ouvert la voie, démontrant le potentiel des Sukuk pour financer des projets immobiliers à impact. L'Égypte a fait figure de pionnier avec l'émission par Palm Hills Development d'un Sukuk de 206 millions de dollars en 2022.  D'une maturité de 10 ans, il servira à financer un projet de construction innovant et durable dans la ville nouvelle de Badya à West Cairo. Ce Sukuk se veut la première étape d'un programme visant à faire de Palm Hills un acteur majeur de l'immobilier vert au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en phase avec les objectifs de développement durable des Nations Unies.

Au Nigéria, plusieurs initiatives sont à noter. Family Homes Funds a réussi en 2023 à lever 10 milliards de nairas (environ 24 millions de dollars) via un Sukuk corporate d'une maturité de 7 ans, avec un taux de profit de 13%. Cette émission permettra de financer un ambitieux programme de construction de logements sociaux à travers le pays. Une initiative saluée par le gouvernement nigérian qui voit dans le développement des Sukuk un levier pour réduire le déficit de logements abordables.

Toujours au Nigéria, l'institution financière islamique Trust Arthur a également signé en septembre 2023 un partenariat avec la REDAN (Real Estate Developers Association of Nigeria) afin d'émettre un Sukuk d'une valeur de 50 milliards de nairas (soit environ 64 millions de dollars) dans le but de financer des projets immobiliers des membres de cette association.

Quant au Kenya, il n'est pas en reste avec l'approbation en septembre 2023 par l'Autorité des Marchés Financiers (CMA) de l'émission d'un Sukuk de 20,4 millions de dollars par Linzi Finco Trust. Les fonds levés financeront la construction de 3 069 logements sociaux, dans le cadre de la politique gouvernementale visant à livrer 200 000 unités par an. Avec un taux de profit de 11,3%, ce Sukuk offre un rendement attractif aux investisseurs tout en soutenant le développement du pays.

Dexterity Africa, cabinet de conseil en finance islamique, stipule qu’avec un total de 26 453 millions de dollars d'émissions jusqu'en fin 2022, l'Afrique représentait 1,48% des émissions mondiales sur cette période. Le Soudan ayant connu la finance islamique depuis les années 70 représentait environ 80% des émissions cumulées depuis 2001 tandis que la Gambie malgré un montant cumulé faible enregistrait le plus grand nombre d'émissions durant la même période.

Mais le rythme devrait s'accélérer dans les années à venir. Selon S&P Global Ratings, le marché africain des Sukuk pourrait atteindre 30 milliards de dollars d'ici 2025, contre 2 milliards en 2021. Cette croissance est portée par plusieurs facteurs : l'intérêt grandissant des investisseurs du Golfe et d'Asie pour la diversification de leurs portefeuilles, la volonté des gouvernements de développer des écosystèmes favorables à la finance islamique, et l'appétit d'une classe moyenne en croissance pour des produits financiers conformes à l'éthique Islamique.

L'immobilier apparaît comme un terrain particulièrement propice en Afrique, la tangibilité des actifs facilitant la structuration de Sukuk conformes à la charia. De plus, la stabilité des rendements et la forte demande pour toutes les gammes de biens (logements sociaux, résidences haut de gamme, bureaux, commerces, hôtellerie...) renforcent l'attractivité du secteur.

 

Une dynamique internationale portée par l’Asie et les pays du Golfe

Cette dynamique africaine, lente mais prometteuse, s'inscrit dans un contexte global très porteur pour les Sukuk. Selon la dernière analyse de Saif Shawqi, directeur finance islamique chez Fitch Ratings, l'encours mondial a augmenté de 10% en un an pour atteindre 867 milliards de dollars et devrait franchir le cap des 1000 milliards à moyen terme. Une remarquable résilience alors que dans le même temps, les émissions d'obligations classiques ont chuté de 24%.

La Malaisie conserve la première place mondiale avec environ 60% de son marché obligataire en ringgit sous format Sukuk. Mais le dynamisme est clairement du côté des pays du Golfe (GCC) qui représentent déjà 35% de l'encours mondial et dont le marché obligataire est en passe de franchir les 1000 milliards de dollars. Environ 80% des 185 milliards de Sukuk en circulation notés par Fitch sont investment-grade et la part des émetteurs avec une perspective positive a doublé au premier trimestre 2024.

Ce succès retentissant repose sur des fondamentaux solides et un appétit croissant des investisseurs pour ces produits financiers éthiques. Malgré quelques risques (exigences de la charia avec la nouvelle norme AAOFI SS N° 62, géopolitique, prix du pétrole, ...), la tendance haussière devrait se poursuivre en 2024 selon Fitch.

Nul doute que l'Afrique saura tirer parti de cet engouement. Avec une population musulmane de plus de 500 millions de personnes, une démographie et une urbanisation galopantes, ainsi qu'un déficit d'infrastructures élevé (entre 130 Mds de dollars-170 Mds de dollars par an selon la Banque Africaine de Développement), le continent offre un terreau fertile pour l'essor des Sukuk immobiliers. C’est une bouffée d'oxygène qui arrive à point nommé pour financer les projets de développement en Afrique, en complément des financements classiques.

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1 commentaire

  • Augustina Saville Augustina Saville

    juil. 4, 2024

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