2025-2030 : Le grand bouleversement du travail qui nous attend

En 2025, alors que le monde peine encore à se remettre des soubresauts de la pandémie de Covid-19, une nouvelle vague de changements profonds déferle sur le marché du travail. Disruption technologique, fragmentation géoéconomique, urgence climatique, transition démographique... Autant de mégatendances qui bousculent en profondeur les équilibres établis, redessinant les contours des métiers et des compétences. C'est ce que révèle en substance le rapport Future of Jobs 2025 publié par le World Economic Forum, qui compile les perspectives de plus de 1000 dirigeants d'entreprises représentant près de 15 millions de travailleurs dans le monde. 

Mais audelà du tableau clinique, quelles perspectives ce rapport ouvre-t-il ? Entre enjeux cruciaux et tendances prometteuses, plongée dans un avenir du travail riche en défis et opportunités.

 

Un maelström technologique en vue ?

Première conclusion majeure : la vague technologique, loin de refluer, s'apprête à déferler de plus belle. « Plus d'employeurs - 60% - s'attendent à ce que l'élargissement de l'accès au numérique transforme leur entreprise que toute autre tendance, avec des proportions similaires d'employeurs dans toutes les régions sélectionnant cette tendance. » Dans le même temps, les avancées fulgurantes de l'intelligence artificielle et du traitement de l'information (citées par 86% des répondants), de la robotique et de l'automatisation (58%) ou encore des technologies de stockage et distribution d'énergie (41%) font figure de tsunami potentiel pour les modèles économiques établis.

Avec à la clé, une profonde recomposition du paysage des métiers. Selon les projections du rapport, sur la période 2025-2030, « la création de nouveaux emplois liée aux mégatendances devrait représenter 170 millions d'emplois, soit 14% de l'emploi total actuel. Cette croissance devrait être compensée par la disparition de 92 millions d'emplois actuels, soit 8% de l'emploi total, ce qui se traduit par une croissance nette de 78 millions d'emplois (7% de l'emploi total actuel). » Mais ces chiffres masquent de profondes disparités :

« En tête de la liste des emplois à la croissance la plus rapide figurent des rôles tels que les spécialistes du Big Data, les ingénieurs en FinTech, les spécialistes de l'IA et de l'apprentissage automatique, ainsi que les développeurs de logiciels et d'applications (...). En revanche, les répondants s'attendent à ce que les rôles en déclin les plus rapides comprennent divers rôles administratifs, tels que les caissiers et les guichetiers, ainsi que les assistants administratifs et les secrétaires de direction, les travailleurs de l'impression et les comptables et auditeurs. »

 

Sur le front des compétences, l'heure est au grand chambardement

Autre conséquence majeure de ce séisme technologique : l'obsolescence accélérée des compétences. Selon le rapport « en moyenne, les travailleurs peuvent s'attendre à ce que deux cinquièmes (39%) de leurs compétences existantes soient transformées ou deviennent obsolètes au cours de la période 2025-2030 ».  Dans le top 3 des savoir-faire les plus prisés figurent « l'IA et le Big Data (...) suivis de près par les réseaux et la cybersécurité ainsi que la maîtrise du numérique », fait remarquer le rapport.

« En complément de ces compétences liées à la technologie, la pensée créative, la résilience, la flexibilité et l'agilité, ainsi que la curiosité et l'apprentissage tout au long de la vie, devraient également continuer à gagner en importance au cours de la période 2025-2030 ». Preuve en est que la révolution technologique, si elle bouscule indéniablement la donne, ne pourra faire l'économie du facteur humain. Cependant, le chemin pour y parvenir s'annonce semé d'embûches. Toujours selon le rapport, pour un panel représentatif de 100 travailleurs, « 41 n'auront pas besoin d'une formation importante d'ici 2030 ; 11 auront besoin d'une formation, mais celle-ci ne leur sera pas accessible dans un avenir prévisible ; et 29 auront besoin d'une formation et verront leurs compétences améliorées dans le cadre de leur rôle actuel. En outre, les employeurs prévoient que 19 travailleurs sur 100 auront besoin d'une formation et seront reconvertis et redéployés au sein de leur organisation d'ici 2030 ».  De quoi alimenter le risque d'une fracture sociale et économique grandissante.

 

Des stratégies RH bousculées

Pour naviguer dans cet environnement VUCA (Volatilité, Incertitude, Complexité et Ambiguïté), les entreprises doivent plus que jamais faire preuve d'agilité dans la gestion de leurs talents. Principal levier plébiscité : la montée en compétences, envisagée par 85% des employeurs interrogés. Viennent ensuite l'automatisation accrue des processus (73%) et le recrutement de nouveaux talents détenant les compétences d'avenir (70%). «63% des employeurs ont l'intention de compléter et d'augmenter leurs effectifs avec de nouvelles technologies. (...) 51% ont l'intention de faire passer leur personnel de rôles en déclin à des rôles en croissance en interne, tandis que 41% prévoient des réductions d'effectifs en raison de l'obsolescence des compétences ».

Mais les obstacles à surmonter sont nombreux. « L'inadéquation des compétences sur le marché du travail est le principal obstacle à la transformation des entreprises perçu par les répondants à l'enquête Future of Jobs pour la période 2025-2030, citée par 63% des employeurs interrogés ». Suivent la culture d'entreprise et la résistance au changement (46%), un cadre réglementaire rigide (39%) ou encore l'incapacité à attirer les talents vers l'industrie (37%). Autant de défis qui appellent une réponse coordonnée des pouvoirs publics et du secteur privé.

« À l'échelle mondiale, lorsqu'on leur a demandé quelles étaient les interventions des pouvoirs publics ayant le plus grand potentiel perçu pour accroître l'accès aux talents sur la période 2025-2030, les employeurs ont identifié le financement de la reconversion et de l'amélioration des compétences (55%) et la fourniture de programmes de reconversion et d'amélioration des compétences (52%) comme les deux mesures les plus déterminantes ».

 

La diversité et l'inclusion, nouveaux mantras

Le rapport met également en lumière la montée en puissance des enjeux de diversité et d'inclusion pour attirer et fidéliser les talents. « 83% des employeurs interrogés ont mis en place des mesures en faveur de la diversité, de l'équité et de l'inclusion, contre 67% en 2023." Formation des managers (citée par 51% des répondants), actions ciblées en matière de recrutement et de promotion (48%), objectifs chiffrés (42%) ... Les initiatives se multiplient pour créer des environnements de travail plus inclusifs. 

Un changement de paradigme qui ne doit cependant pas masquer les profondes disparités qui persistent. « Les femmes sont considérées comme le groupe prioritaire pour les programmes de diversité, d'équité et d'inclusion des employeurs interrogés dans le monde entier, 76% des répondants prévoyant de concentrer leurs mesures sur ce groupe ». Mais seules 27% des entreprises mentionnent les personnes issues de milieux défavorisés sur le plan ethnique ou religieux, 24% celles issues de milieux modestes et 21% les migrants et réfugiés. Le chemin vers une véritable équité semble encore long.

 

Vers un nouveau contrat social pour préparer le monde de demain ?

Au final, le rapport Future of Jobs 2025 dresse le portrait d'un monde du travail en plein bouleversement, tiraillé entre d'immenses opportunités et des défis considérables. Pour conjurer le risque d'une fracture entre gagnants et perdants de la transformation digitale, il y faudra plus qu'un simple ajustement.  C’est une véritable refonte du contrat social qui se profile, plaçant le développement humain et le progrès sociétal au cœur de la dynamique économique. Avec en filigrane, d’importantes questions : comment assurer une transition inclusive vers cette économie du futur ? Quels filets de sécurité tisser pour les laissés-pour-compte de la révolution technologique ? Quels nouveaux modes de dialogue social inventer ? Une chose est sûre : Il y faudra des politiques publiques visionnaires, des partenariats public-privé novateurs, et surtout une prise de conscience collective des enjeux.

Mais le temps presse. La fenêtre d'opportunité pour façonner une reprise centrée sur l'humain est étroite. Aux dirigeants politiques et économiques de s'en saisir sans attendre. En embrassant le changement plutôt qu'en le subissant. En ouvrant la voie à une croissance plus inclusive et durable. Car in fine, c'est notre capacité collective à humaniser cette 4ème révolution industrielle qui façonnera le visage de notre avenir commun.

 

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