Attahiru Maccido est le Directeur général de One 17 Capital. Il est formateur et consultant en banque et finance islamiques, avec une spécialisation en marché des capitaux islamiques. Exerçant pour le compte de Buraq Capital, il a conseillé, le FGN/DMO le Gouvernement Fédéral du Nigéria) sur les émissions de Sukuk de 2017 et 2018. Il a été le premier PDG de Lotus Financial Services Ltd, une filiale de Lotus Capital Limited - un gestionnaire de fonds en finance islamique. Attahiru a également été directeur Région Nord de Lotus Capital Ltd (du Nigéria). Durant son passage chez Lotus Capital, Attahiru a laissé son empreinte non seulement dans l'entreprise, mais aussi dans le secteur de la finance islamique au Nigéria. Attahiru a joué un rôle déterminant dans la structuration du premier Sukuk Al-Istisna privé nigérian émis par Lotus Capital en 2010. Il a également développé et géré le premier indice Lotus Islamic Equity Index de 2009 à 2012. L'indice s'est muté en "NSE Lotus Capital Islamic Index - NSE LC II" lorsque la Nigerian Stock Exchange (Bourse du Nigéria) s'est associée à Lotus Capital pour gérer l'indice. Il a également structuré un Ijara Sukuk pour le gouvernement de l'État d'Osun, le premier Sukuk public émis au Nigéria, lequel a été primé par le prix Africa Deal of the Year lors des Islamic Finance News (IFN) Awards, 2013 à Dubaï. Il a par ailleurs travaillé à la Securities and Exchange Commission (SEC) de 2002 à 2006.
M. Maccido a été membre du comité technique constitué par le comité de pilotage sur la finance alternative, composé de la Banque centrale du Nigeria, de la SEC, du DMO, de l'ICRC (Commission de régulation des concessions d'infrastructure) et de la FMJ.
Notre auditoire peut-il en savoir plus sur One17 Capital et sur son rôle dans le paysage financier nigérian et peut-être même au-delà?
One17 Capital Limited, en tant que société, a été constituée en juin 2020, juste après la période de confinement de la COVID-19. Nous avons fait la demande d'agrément et l'avons obtenu en décembre 2020. Nous opérons en tant que société de gestion de fonds agréée, communément appelée société de gestion de patrimoine dans d'autres juridictions.
Ayant constaté des lacunes dans le domaine de la finance islamique, nous avons décidé d'axer nos activités principalement sur ce domaine. Outre la gestion de fonds, nous jouons le rôle de conseillers en matière de charia et de conseillers financiers pour certains produits phares et structures de Sukuk au Nigeria.
En raison de la pénurie de professionnels dans ce domaine, nous avons également pris l'initiative d'organiser des formations et des séances de renforcement des capacités à l'intention des particuliers et des entreprises afin de les sensibiliser à la finance islamique. Grâce à nos efforts de formation, nous avons collaboré avec des institutions telles que la International Center for Islamic Culture and Education (ICICE) à Abuja, au Nigéria. Nous avons également des partenariats avec la Islamic Finance Training Institute of Ghana pour dispenser des formations au Ghana ainsi qu'avec la International Institute of Islamic Banking and Finance de Bayero University Kano, qui délivre actuellement des certificats de formation en finance islamique.
Pouvez-vous nous éclairer sur votre rôle en tant que Directeur général de One17 Capital Limited et sur vos contributions dans le domaine de la finance islamique?
En tant que Directeur général et PDG de One17 Capital, je suis chargé de superviser toutes les activités de l'entreprise et de conseiller nos équipes professionnelles. Compte tenu de la demande pour des fonctions avec ou sans licence, nous avons créé deux entités supplémentaires afin de nous conformer aux réglementations en vigueur et de répondre efficacement aux divers besoins de nos clients.
One17 Capital Limited, qui opère en tant que société de gestion de fonds (ou société de gestion d'actifs), a élargi ses services. Nous avons ainsi créé One17 Financial Advisory Services, qui se consacre à l'émission de Sukuk et au conseil financier, ainsi que One17 Ethical Advisory Limited, qui se consacre spécifiquement aux activités de conseil en matière de charia, dans le respect des principes de la finance islamique.
En ce qui concerne mes contributions au domaine de la finance islamique, j'ai commencé à m'impliquer officiellement avec Lotus Capital en 2008. Durant mon mandat chez Lotus Capital, j'ai structuré avec succès un Sukuk Al Istisna'a privé pour un client particulier ainsi que le Sukuk du gouvernement de l'État d'Osun (au Nigéria) en octobre 2013. En outre, j'ai joué un rôle clé dans le développement de l'indice NGX Lotus Capital Islamic Index, le seul indice d'actions islamiques au Nigeria (à ce jour), qui fait désormais partie des indices proposés par la Bourse du Nigéria (Nigerian Exchange).
En revenant sur votre parcours jusqu'à présent dans la finance islamique, pourquoi avez-vous choisi cette voie ? Quelles sont vos sources de motivation?
La première raison pour laquelle j'ai choisi cette voie découle de mes valeurs religieuses, en particulier en tant que musulman qui comprend les implications de la notion d'intérêt. L'enseignement de l'islam préconise d'éviter les intérêts, sauf en cas d'absolue nécessité. Pour moi, adhérer à ces valeurs islamiques signifie se tenir à l'écart de tout ce qui est lié à l'intérêt.
Éviter l'intérêt conduit naturellement à la question suivante : Quelles sont les alternatives et pourquoi est-ce que je veux développer des solutions pour un nombre croissant de musulmans qui, en plus de s'abstenir d'autres vices, recherchent des possibilités au-delà de l'intérêt ?
J'ai également participé à la structuration et à la supervision des Sukuk du gouvernement fédéral du Nigeria, depuis 2017 jusqu'à l'émission la plus récente en 2023. En outre, j'ai contribué à la structuration du Sukuk al-Ijarah pour Family Homes Funds Limited et du Sukuk Al-Mudarabah pour Taj Bank.
Mon engagement ne se borne pas aux transactions, car je participe activement à la formation de nombreux professionnels et à des actions de sensibilisation. Ces efforts représentent ma contribution au développement de la finance islamique au Nigéria.
Les enseignements islamiques, notamment les directives du prophète Muhammad (SAW), préconisent de prendre des mesures correctives contre tout ce qui est considéré comme blâmable. Le Prophète a (ainsi) conseillé : "Celui qui voit quelque chose de blâmable parmi vous, qu'il le corrige avec sa main. S'il n'y arrive pas, qu'il le fasse avec sa langue. S'il n'y arrive toujours pas, qu'il le fasse avec son cœur. " (مَنْ رَأَى مِنْكُمْ مُنْكَرًا فَلْيُغَيِّرْهُ بِيَدِهِ،َإِنْ لَمْ يَسْتَطِعْ فَبِلِسَانِهِ،َإِنْ لَمْيَسْتَطِعْ فَبِقَلْبِهِ).
En vertu de ces principes, j'estime qu'il m'incombe d'agir et de contribuer à trouver des solutions pour la population musulmane qui cherche des alternatives à l'intérêt.
En qualité de Directeur de Buraq Capital Limited, vous avez joué un rôle clé en conseillant le gouvernement fédéral du Nigeria sur l'émission de Sukuk. Pourriez-vous nous éclairer sur les défis rencontrés et sur l'impact de ces initiatives sur la finance islamique au Nigéria?
L'un des premiers défis auxquels nous avons été confrontés a été d’arriver à persuader le gouvernement fédéral du Nigéria (FGN) d'envisager l'émission de Sukuk. En 2009, lorsque j'étais chez Lotus Capital, Mme Hajira Adiola (Directrice générale de Lotus Capital) et moi-même avons rendu visite à Debt Management Office -DMO- (Bureau de gestion de la dette) à ce sujet. Cependant, ce n'est qu'en 2017 que le premier Sukuk a été émis, ce que j'avais conseillé lorsque j'étais encore chez Buraq Capital. Vous pouvez ainsi vous faire une idée de la durée et de l'ampleur du travail qu'il a fallu depuis nos premières réunions jusqu'à l'émission du premier Sukuk du FGN.
La perception du public a constitué un autre défi. En raison de l'islamophobie, certaines personnes ont affirmé à tort que l'émission de Sukuk par le gouvernement fédéral visait à islamiser le pays. Pour contrer cela, nous avons travaillé sans relâche pour sensibiliser le public, en soulignant que des pays comme le Royaume-Uni, le Luxembourg, Hong Kong et l'Afrique du Sud avaient émis des Sukuk souverains en 2014, qui ont tous été souscrits avec succès.
Après l'émission de Sukuk par le gouvernement fédéral en 2017, la DMO (Bureau de gestion de la dette) a étiqueté toutes les routes construites avec les fonds levés grâce aux obligations Sukuk, permettant ainsi au public de constater l'impact tangible des investissements Sukuk dans la construction de routes de qualité.
Cette initiative a eu un impact significatif sur la finance islamique en établissant une référence et en montrant que le gouvernement fédéral pouvait émettre des Sukuk. Cela a ouvert la voie aux gouvernements des États et aux entreprises, contribuant ainsi à la récente émission du sixième Sukuk (souverain) en 2023.
Pour l'avenir, nous prévoyons une utilisation accrue des instruments de de la finance islamique par le gouvernement, en particulier compte tenu de l'approche de la nouvelle administration et des déficits budgétaires existants. Nous espérons que d'autres gouvernements d'État et entreprises adopteront l'émission de Sukuk pour l'expansion et le développement des infrastructures. La vocation de développement que revêtent les Sukuk, comme en témoigne le financement de routes couvrant environ 500 kilomètres, met en évidence leur impact direct sur le secteur réel. Cela est conforme aux principes fondamentaux de la finance islamique, qui met l'accent sur le développement.
En vertu de votre spécialisation dans le marché des capitaux islamiques, quels sont les défis et les opportunités que vous voyez pour la croissance des marchés des capitaux islamiques au Nigéria et dans le monde?
Pour commencer par les défis, nous sommes confrontés à des lacunes notables en matière de développement des compétences et de sensibilisation. Il y a une pénurie de professionnels capables de conseiller les acteurs, tels que les gouvernements des États ou les entreprises. Le manque d'expertise dans ce domaine constitue un obstacle de taille. En outre, il existe un besoin crucial de sensibilisation, car les investisseurs potentiels et les entités souhaitant émettre des Sukuk doivent comprendre le fonctionnement de ces instruments. Lutter contre l'islamophobie et débattre des questions plus générales liées à la finance islamique font également partie des défis à relever.
Toutefois, en ce qui concerne les opportunités, le champ d'action est vaste. La Securities and Exchange Commission (SEC), l'autorité de régulation du marché des capitaux, a élaboré un plan directeur sur dix ans qui devrait s'achever en 2025. Dans ce plan, elle vise à ce que 25 % des capitaux nigérians sur le marché des capitaux proviennent d'instruments et d'institutions de la finance islamique. La SEC a activement sensibilisé les gouvernements des États à la promotion de la finance islamique et des Sukuk. Cet effort devrait permettre aux gouvernements des États et aux sociétés anonymes d'émettre des Sukuk.
Une autre opportunité importante réside dans l'objectif de l'administration actuelle, dirigée par le président Bola Ahmed Tinubu, de faire passer le produit intérieur brut (PIB) du pays d'environ 450 milliards de dollars à 1 000 milliards de dollars au cours des huit prochaines années. Cet objectif ambitieux nécessite l'utilisation de divers instruments du marché des capitaux, ce qui offre des opportunités substantielles. Le gouvernement fédéral devrait émettre des Sukuk pour financer le développement des infrastructures et d'autres activités liées à la gouvernance. En substance, ces développements offrent des perspectives intéressantes pour la croissance de la finance islamique et du marché des capitaux islamiques en général.
Vous avez participé activement à la structuration de diverses émissions de Sukuk, y compris le premier Sukuk privé du Nigeria, Sukuk Al-Istisna'a. Pouvez-vous nous faire part des défis rencontrés lors de l'introduction de structures innovantes de Sukuk et de la manière dont ces instruments contribuent au développement de la finance islamique?
En ce qui concerne les défis, l'introduction de toute nouveauté entraîne inévitablement des obstacles en raison des changements anticipés. Le passage du connu à l'inconnu pose de nombreux défis. Un exemple notable est le Sukuk Al-Istisna'a privé émis par Lotus Capital en 2019. Un client avait alors souhaité retirer son investissement. Ce qui a poussé Lotus Capital à persuader le client de le garder en attendant de trouver de nouveaux investisseurs pour un Sukuk Al-Istisna'a. Après avoir réussi à obtenir un milliard de nairas, Lotus Capital a organisé et proposé le Sukuk aux investisseurs, en utilisant les fonds levés pour développer les propriétés immobilières dont l'acheteur initial souhaitait se défaire. Cette approche innovante a permis de conserver les fonds du client chez Lotus Capital, de lever de nouveaux fonds et d'aboutir à une situation profitable à la fois aux investisseurs, au client et à Lotus Capital. La sensibilisation, le développement des compétences et la dispense de formations nécessaires font partie des défis à relever.
Cependant, cette méthode innovante de structuration des produits financiers, en particulier les Sukuk, a non seulement ouvert la voie mais aussi créé de nombreuses opportunités. Des particuliers et des institutions recourent maintenant à certains des instruments Sukuk auprès du gouvernement fédéral à des fins de gestion des liquidités. Nous restons optimistes sur le fait que la Banque centrale du Nigeria et d'autres institutions introduiront des titres à court terme conformes à la charia sous la forme de Sukuk, qui serviront d'instruments de gestion de la liquidité pour les institutions financières ne percevant pas d'intérêts. Cette initiative devrait permettre d'améliorer la compétitivité des instruments financiers islamiques vis-à-vis des instruments conventionnels et d'élargir les possibilités d'investissement pour ces institutions.
Les Sukuk se sont révélés être une incroyable source alternative de financement au Nigeria, en particulier pour le développement des infrastructures. En tant que l'une des principales parties prenantes, comment évaluez-vous l'impact des sukuk sur le développement des infrastructures au Nigeria ? Quelles sont les perspectives?
Pour évaluer l'impact des Sukuk sur le développement des infrastructures, il faut examiner les résultats tangibles obtenus jusqu'à présent. Dans le cas de la sixième émission de Sukuk du gouvernement fédéral du Nigeria, des routes sur environ 500 kilomètres ont été construites, sillonnant les six zones géopolitiques. Ces routes traversent les villes et les villages, facilitant ainsi l'accès aux populations. La construction de routes de qualité a considérablement amélioré l'acheminement des produits agricoles entre les villages, renforçant ainsi les activités économiques. En outre, ces excellentes routes ont eu un impact positif sur les interactions sociales en garantissant une circulation fluide et efficace des personnes à travers le pays.
Un autre exemple remarquable est celui de Family Home Funds Limited, qui a émis un Sukuk de 30 milliards de nairas en 2022 et 2023. Grâce à une approche innovante incluant le Sukuk Al-Ijarah, elle a réussi à lever des fonds en deux tranches pour fournir des logements abordables. Cela démontre que les Sukuk peuvent être utilisés pour divers projets gouvernementaux de développement, notamment des hôpitaux, des écoles, des ponts, des routes, des aéroports, etc. Les Sukuk, étant directement liés au secteur réel, ont le potentiel d’impacter des vies et de contribuer de manière significative à la croissance et au développement.
IFMAG