Filtrage charia des sociétés cotées: le gendarme boursier pakistanais serre la vis réglementaire

La Securities and Exchange Commission of Pakistan (SECP) planche sur une réforme des exigences de transparence financière pour les sociétés cotées. Le screening de conformité à la charia est particulièrement dans le viseur du gendarme boursier, avec un projet d'amendement de la Loi sur les Sociétés de 2017. En consultation publique depuis le 06 mai 2024, elle vise à renforcer les exigences de divulgation afin de faciliter le filtrage des investissements conformes à la charia. Un ajustement réglementaire qui pourrait avoir des répercussions significatives, à l'heure où le pays est lancé dans une refonte de son système financier qui est appelé à devenir "full compliant" d'ici 2027.

Cette initiative fait écho à une obligation introduite dès 2017 : les entreprises opérant selon les principes de la charia doivent détailler dans leurs états financiers la part de leurs revenus, prêts et investissements conformes aux préceptes islamiques. Une exigence qui découle d'un impératif constitutionnel : débarrasser l'économie pakistanaise du Riba, cette usure prohibée par l'Islam. Pourtant, comme le déplore la SECP dans son document de consultation, « seul un nombre limité d'entreprises s'y sont pliées à ce jour ».

Face à ces manquements, le gendarme boursier a déjà dégainé plusieurs mesures : promulgation de règles de gouvernance charia en 2023, révision des critères de sélection des actions, sensibilisation des directeurs financiers... En parallèle, la bourse pakistanaise planche sur une obligation pour les sociétés cotées de lui communiquer directement les données requises.

Ce manque de transparence a des conséquences significatives. Il « compromet la disponibilité des informations requises pour les investissements conformes à la charia dans les sociétés cotées », souligne l'autorité. Une préoccupation corroborée par une étude récente, qui révèle que seules 8% des entreprises concernées publient l'intégralité des informations requises. Et ce, alors même que « l'inclusion dans un indice islamique n'entraîne pas de coûts ou d'efforts supplémentaires significatifs pour les entreprises », insiste la SECP. 

Pour y remédier, les amendements proposés visent à clarifier les zones d'ombre de la loi actuellement en vigueur et « à étendre les exigences de divulgation aux filiales des sociétés cotées ». Des propositions soumises à consultation publique jusqu'au 21 mai.

L'enjeu, en effet, dépasse la seule sphère financière. Comme le martèle la Federal Supreme Court (FSC), « éradiquer le Riba n'est pas seulement une obligation religieuse mais aussi une obligation constitutionnelle pour chaque citoyen pakistanais, y compris la bourse et les sociétés cotées ». Un défi collectif qui appelle une « mobilisation sans faille » de tous les acteurs économiques. 

La pression réglementaire suffira-t-elle à instaurer la transparence tant attendue ? Le verdict sera connu dans les prochains mois, avec la publication des textes définitifs. Mais une chose est sûre : pour les sociétés cotées, l'heure de vérité approche. Car comme le prédit un expert en finance islamique, « sur le marché pakistanais, la conformité charia s'imposera de plus en plus comme un critère d'investissement incontournable ». Ces nouvelles règles pourraient bien rebattre les cartes en faveur des entreprises conformes aux principes de la finance islamique.

La rédaction

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