La finance islamique démontre sa résilience malgré un environnement difficile

Le Conseil des services financiers islamiques (IFSB) a publié le 13 septembre dernier le IFSI Stability Report 2024, un rapport annuel. Etant l’un des rapports majeurs de l’industrie, il a pour vocation d’évaluer sa croissance, son développement et sa résilience à l’échelle mondiale. Mais quels enseignements se dégagent de cette édition ? Décryptage…

 

L'industrie des services financiers islamiques (IFSI) a continué de croître en 2023 pour atteindre 3 380 milliards de dollars d'actifs, en hausse de 4% par rapport à 2022, selon le IFSI Stability Report 2024, et ce malgré un contexte économique et géopolitique turbulent marqué par l'inflation, le resserrement monétaire et les tensions géopolitiques internationales. Cette performance souligne la résilience de cette industrie et son potentiel à long terme.

 

Une croissance tirée par les régions clés et de nouveaux marchés prometteurs

Le rapport stipule que la région du Conseil de coopération du Golfe (CCG) reste le moteur de l'IFSI avec 52,5% des actifs, portée par la forte croissance de la banque islamique (+8,4%). L'Asie de l'Est et Pacifique suit avec 21,8% des actifs tout en présentant une offre diversifiée. D'autres régions comme l'Afrique subsaharienne, l'Europe et l’Asie centrale ou l'Asie du Sud progressent aussi, avec un fort potentiel encore sous-exploité.

 

La banque islamique, pilier d'une industrie en développement

Pesant 70% des actifs de l'IFSI, la banque islamique a vu ses actifs augmenter de 7,2% en 2023, avec une hausse de 7,9% des dépôts et de 6% du financement, selon le rapport. Elle reste bien capitalisée et liquide, avec des ratios au-dessus des exigences réglementaires. Sa rentabilité s'améliore aussi, avec un ROA de 2,16% et un ROE de 26,27%. Parmi les moteurs de croissance : la demande de produits Shariah-compatibles, le dynamisme économique des pays exportateurs de pétrole et l'expansion géographique.

 

Le marché des sukuk confirme son rebond post-pandémie

Malgré un léger ralentissement (+2,45% d'encours à 850 milliards de dollars), le marché des sukuk fait preuve de résistance comparé aux obligations conventionnelles (-17%). Les émissions souveraines dominent (52%), portées par le CCG et l'Asie de l'Est, avec de nouveaux émetteurs comme l'Egypte et les Philippines. Les émissions vertes et durables progressent aussi à près de 12 milliards de dollars. Mais le marché souffre encore d'un manque de liquidité et de profondeur.

 

Les fonds islamiques impactés par un environnement adverse 

Avec 182 milliards de dollars d'actifs sous gestion, les fonds islamiques reculent de 12%, pénalisés par la conjoncture économique globale et la baisse de certaines devises. Les fonds actions restent majoritaires (36%) devant les matières premières (23%). L'appétit pour les fonds durables se confirme (12%). Géographiquement, l'Europe concentre 35% des actifs devant l'Asie de l'Est (29%) et le CCG (21%).

 

Les actions islamiques surperforment à long terme leurs pairs conventionnelles

Malgré la volatilité des marchés, les indices actions islamiques affichent de meilleures performances que leurs équivalents conventionnels sur 5 et 10 ans, grâce à une allocation sectorielle plus favorable. En 2023, ils progressent de 28,9% contre 23,4%, portés par leur surpondération dans la technologie et la consommation discrétionnaire, selon les chiffres du rapport.

 

L'assurance islamique (takaful) en ordre de marche

Ce rapport fait état d’une progression de l’ordre de 6,5% des contributions de l'assurance islamique progressent au 3e trimestre 2023 pour atteindre 24 milliards de dollars ; ces dernières étant tirées par le segment non-vie (+21%) qui compense le repli de l'assurance vie (-9%). Les tendances restent positives avec la reprise économique et des réglementations favorables. La gestion des sinistres, des coûts et des risques reste un défi.

 

Crypto-actifs et finance islamique : entre opportunités et risques

Les crypto-actifs suscitent un intérêt croissant dans l'IFSI comme nouvelle classe d'actifs, mais soulèvent aussi des questions de conformité Shariah, de protection des investisseurs et de stabilité financière. Un cadre réglementaire adapté, une gestion prudente des risques et une transparence accrue seront cruciaux.

 

Le défi crucial des risques financiers liés au climat

Le changement climatique, via les risques physiques et de transition, représente une menace pour la stabilité de l'IFSI. Les spécificités de la finance islamique (secteurs et contrats d'investissement, mécanismes de partage des pertes, disponibilité des instruments de couverture...) nécessitent une attention particulière quant aux canaux de transmission et d'interconnexion des risques.

 

Vers un avenir prometteur mais exigeant

Malgré les vents contraires, l'IFSI a continué de naviguer en 2023, portée par ses fondamentaux solides, sa capacité d'innovation et son alignement croissant avec les tendances de l'investissement durable.

Pour réaliser pleinement son potentiel en 2024, l'industrie devra cependant relever plusieurs défis : renforcer son cadre réglementaire et sa gestion des risques, approfondir ses marchés tout en les diversifiant, accélérer sa transformation digitale, développer ses instruments de liquidité et de couverture Shariah-compatibles, promouvoir sa proposition de valeur éthique, ...

Un programme ambitieux mais nécessaire pour construire une finance islamique pérenne, au service d'une économie mondiale plus stable, inclusive et durable. Un enjeu d'avenir auquel régulateurs, acteurs du marché et chercheurs sont plus que jamais appelés à répondre ensemble.

TOURE SORY6 Revues

Sory TOURE est le directeur de publication de IFMAG. Consultant spécialiste de la finance islamique, il est aussi fondateur de Dexterity Africa.

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