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Les banques nigérianes face au défi des nouvelles exigences en capital de la CBN

Le 28 mars dernier, la Banque centrale du Nigeria (CBN) a annoncé un relèvement significatif des exigences minimales de fonds propres pour les banques commerciales, les banques d'affaires et les banques islamiques. Ces augmentations substantielles, qui vont jusqu'à décupler les niveaux actuels pour certains établissements, devraient entraîner une nouvelle vague de consolidation dans le secteur ou la recherche de cash sur les marchés financiers. Les prochains mois s'annoncent intenses pour les acteurs du monde bancaire nigérian.

 

Un relèvement significatif des fonds propres exigés

La circulaire de la CBN a surpris par son ampleur. Les banques commerciales avec une licence internationale comme Access Bank ou Zenith Bank devront détenir un capital minimum de 500 milliards de nairas (370 millions de dollars). Pour celles avec une autorisation nationale, le seuil est fixé à 200 milliards, tandis que les établissements régionaux et les banques d'affaires devront disposer d'au moins 50 milliards. Les banques islamiques sont soumises à un plancher de 20 milliards au niveau national et 10 milliards au niveau régional. 

Point important : seuls le capital versé et les primes d'émission seront pris en compte, à l'exclusion des bénéfices non distribués et autres réserves. Une approche plus stricte que celle adoptée par les régulateurs égyptien et ghanéen lors des précédentes vagues de recapitalisation.

Les banques ont désormais 2 ans, jusqu'au 31 mars 2026, pour se conformer à ces nouvelles exigences. Un délai jugé insuffisant par certains observateurs, en particulier pour les banques islamiques de création récente. Le professeur Uche Uwaleke de l'université Nasarawa State suggère de leur accorder une période de transition de 3 ans.

 

Des besoins en capital considérables

D'après les estimations de Fitch, les banques notées par l'agence présentent un déficit cumulé en capital versé de l'ordre de 2600 milliards de nairas (2,1 milliards de dollars). Le professeur Adegbemi Onakoya évalue quant à lui les besoins globaux de capitaux frais à 4000 milliards. À l'heure actuelle, aucun établissement ne satisferait aux nouveaux critères.

Les grandes banques du pays se mobilisent. Access Holdings et FBN Holdings ont d'ores et déjà annoncé des augmentations de capital de 365 et 300 milliards de nairas, des montants suffisants pour atteindre le seuil des 500 milliards. Zenith Bank et UBA sont également sur les rangs. De son côté, GTBank prévoit de lever 750 millions de dollars. Les marchés financiers nigérians devraient connaître une activité soutenue dans les deux années à venir.

 


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Vers une nouvelle vague de fusions-acquisitions

Pour les banques de taille plus modeste, l'équation s'annonce plus délicate. Selon Ernst & Young, dans l'hypothèse d'un multiplicateur de 15 par rapport aux exigences actuelles, seules 7 banques sur 24 seraient capables de franchir le cap sans apport externe. 

Une nouvelle vague de fusions-acquisitions semble donc incontournable, à l'image de celle observée en 2005. Le relèvement du capital minimum de 2 à 25 milliards de nairas avait alors déclenché un mouvement de consolidation sans précédent, le nombre de banques passant de 89 à 25. Un phénomène similaire pourrait se reproduire à l'horizon 2026.

Les banques d'importance systémique nationale, qui affichent des ratios de solvabilité solides mais restent loin des nouveaux seuils absolus, pourraient privilégier la croissance externe plutôt que de diluer leurs actionnaires existants. Les établissements les plus fragiles risquent d'être purement et simplement absorbés.

 

Une réforme nécessaire malgré les défis à court terme

Le professeur Ken Ife se veut rassurant. Selon lui, les banques nigérianes, fortes de leurs bonnes performances ces dernières années, devraient être en mesure de mobiliser les capitaux requis. Il juge même ce relèvement "normal" au regard des profits engrangés et de la dépréciation du naira.

La réforme soulève néanmoins quelques interrogations. Outre un calendrier serré, l'exclusion des bénéfices non distribués et autres réserves des fonds propres éligibles, en contradiction avec le mode de calcul du ratio de solvabilité, crée une certaine confusion. Des éclaircissements sont attendus de la CBN sur ce point.

À moyen-long terme cependant, cette réforme pourrait se révéler bénéfique pour le Nigeria. Avec des matelas de fonds propres plus épais, les banques seront mieux armées pour résister aux chocs et soutenir les projets d'envergure, en phase avec l'objectif du président Tinubu de porter le PIB à 1000 milliards de dollars d'ici 2030.

La consolidation attendue devrait également favoriser les économies d'échelle et renforcer la rentabilité du secteur. Mais elle aura un coût social. Outre de probables réductions d'effectifs liées aux doublons, des inquiétudes existent sur l'accès au crédit et l'inclusion financière si la concurrence devait s'affaiblir.

En définitive, cette réforme représente un défi de taille, à la hauteur des enjeux : construire un secteur bancaire nigérian solide et résilient, capable de soutenir les ambitions de développement de la première économie africaine. Un objectif atteignable à condition de mener ce processus dans le respect des fondamentaux prudentiels.

La rédacation

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