Malgré un environnement économique mondial encore incertain, la finance islamique continue d'afficher une croissance solide et de belles perspectives d'avenir. Selon un récent rapport de l'agence de notation S&P Global Ratings, l'industrie devrait enregistrer une hausse de ses actifs de l'ordre de 8 à 9% en 2024-2025, portée notamment par le dynamisme des émissions de sukuk.
Le marché des sukuk, justement, a débuté l'année 2024 sur une note positive, avec un volume d'émissions atteignant 46,8 milliards de dollars à fin mars, contre 38,2 milliards un an plus tôt. Les volumes d'émission devraient se maintenir à un niveau élevé, entre 160 et 170 milliards de dollars en 2024, un rythme soutenu dans la lignée des 168,4 milliards levés en 2023 et des 179,4 milliards de 2022. L'Arabie saoudite s'affirme comme un acteur clé de ce segment, à la faveur des besoins de financement liés à son ambitieux programme de transformation économique, la Vision 2030.
Au-delà des sukuk, la croissance de la finance islamique est tirée par la belle progression des actifs des banques islamiques, de 56% en 2023 après 72% en 2022. Les pays du Golfe sont le principal moteur, concentrant 86% de cette hausse l'an dernier. L'Arabie saoudite, là encore, joue un rôle prépondérant, ayant généré à elle seule plus de la moitié de l'augmentation des actifs bancaires islamiques en 2023. Cette vitalité de l'industrie est d'autant plus remarquable qu'elle reste très concentrée sur un nombre restreint de marchés clés.
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S&P note toutefois des progrès dans des pays comme la Turquie et l'Indonésie, même si les dépréciations monétaires y ont quelque peu tempéré la performance. Les Émirats arabes unis montent aussi en puissance, grâce notamment au dynamisme de leur secteur non pétrolier.
Malgré ces avancées, la finance islamique peine encore à s'imposer au-delà de ses marchés historiques. En Asie centrale, en Afrique ou en Europe, le secteur reste embryonnaire et l'activité des sukuk sporadique. Les acteurs de l'industrie doivent impérativement relever le défi de l'expansion géographique s'ils veulent changer d'échelle et peser davantage face à la finance conventionnelle.
Un autre enjeu de taille est la complexité persistante des transactions et des normes qui régissent ce marché. L'adoption en 2024 ou 2025 du nouveau standard 62 de l'AAOIFI sur les sukuk, s'il est entériné en l'état, pourrait ainsi créer des vents contraires et freiner la croissance des émissions à moyen terme, met en garde S&P. Une évolution réglementaire à surveiller de près.
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Sur le front de la digitalisation et des initiatives de finance durable, deux tendances de fond, les résultats apparaissent encore mitigés pour la finance islamique. Malgré son fort potentiel vu la concentration de l'industrie dans les pays exportateurs de pétrole, la finance durable progresse lentement et peine à changer d'échelle. La digitalisation a certes amélioré l'efficacité des banques, mais n'a pas encore révolutionné les activités de marché avec l'essor attendu de la tokenisation et des sukuk numériques.
Pour que la finance islamique parvienne à exploiter tout son potentiel et changer de dimension, S&P considère qu'elle devra impérativement être plus durable, plus collaborative et plus digitale dans les années à venir. Les synergies entre la finance islamique et les objectifs de développement durable sont évidentes, au-delà des seuls aspects financiers. L'avenir devra être plus partenarial pour éviter de fragiliser l'équilibre d'un secteur qui est le fruit de 50 ans d'efforts. Enfin, les technologies émergentes doivent être mises au service de l'industrie pour optimiser ses processus et maximiser sa proposition de valeur.
Si elle parvient à activer ces trois leviers, avec le soutien de normes globales et adaptées, la finance islamique peut résolument changer de statut dans la décennie à venir. D'une industrie de niche, elle peut devenir un acteur de poids, éthique et innovant, de la finance mondiale. Les fondations sont solides, la dynamique est là. Il appartient désormais aux acteurs du secteur de saisir cette formidable opportunité.
La rédaction
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